La Paracha Tazria en IA (Intelligence Artificielle)
Dans notre paracha, la Bible commence à nous parler d’une étrange maladie qui touche aussi bien la peau de l’homme, que ses vêtements et même les murs de sa maison : la tsaraat ! On a malencontreusement traduit ce mot par « lèpre » en français, alors que cette maladie n’a rien à voir avec la lèpre, et reste pour les médecins une énigme.
Ce qu’il nous faut remarquer, c’est que cette maladie s’inscrit très précisément dans les points de contact de l’homme avec l’extérieur : sa peau, son vêtement, les murs de sa maison. Comme s’il s’agissait avant tout d’une maladie du contact, le symptôme d’un dysfonctionnement de la relation entre l’homme et son environnement physique (peau), social (vêtement) ou politique (mur).
C’est pourquoi, lorsque ces symptômes apparaissent, on ne fait pas appel au médecin, mais au prêtre (Cohen) qui était à cette époque le spécialiste par excellence de la médiation et de la relation, entre Dieu et l’homme bien sûr, mais donc aussi du même coup, entre l’homme et son prochain. Ce n’est donc pas une maladie au sens propre, mais plutôt un malaise ou un mal-à-dire.
C’est ce que nous enseignent les rabbins en jouant sur les mots : metsoura (« lépreux ») viendrait en fait de motse-ra, « ce qui sort le mal ». La tsaraat serait donc un mal qui sort et s’exprime au niveau physique, vestimentaire ou architectural, parce que quelque chose au niveau de la parole se serait mal dit, et aurait abouti à un mal-dire, à une médisance ou à un maudire par rapport à autrui.
Car toute médisance (lachon hara) est une perversion de la parole qui menace de détruire la possibilité même d’une parole : elle risque de perdre sa visée de sens en annulant ce qui la porte, sa fonction d’échange et de relation, d’ouverture face à autrui et donc de confiance.
Un tel court-circuit fatal du sens ravale la parole à n’être plus que frontière, paroi rugueuse qui s’effrite sur elle-même et se dévore elle-même, sans plus ouvrir à un au-delà, à autrui. Là où je devais m’ouvrir à autrui par ma peau, mon vêtement ou ma maison, je suis enclos et envahi par les signes de ma propre déliquescence. En clôturant autrui dans un discours qui vise à le réduire et à le disqualifier, je ne lui laisse plus le droit à la parole, je me ferme sur moi-même en l’enfermant dans un mutisme qui est la fin de toute parole et la négation de tout sens : quoiqu’il dise, je ne l’entendrai plus, car je l’ai déjà jugé, et condamné.
Le retour d’Israël sur sa terre signifie peut-être entre autres la restauration de cette fonction du prêtre par rapport à la médisance. Une des tâches d’Israël n’est-elle pas d’attirer l’attention des nations sur ce mésusage si répandu de la parole qui gangrène les relations entre les peuples, et dont un des symptômes par excellence est la « lèpre » de l’antisémitisme, la folie d’un antisionisme sans frontières et sans limites ?
Israël en retrouvant un lieu souverain peut enfin recouvrer une parole souveraine, qui vienne contredire plus de deux mille ans de médisance à son égard. Le travail reste long, car on ne fait pas disparaître d’un coup de baguette magique la prégnance des clichés et d’un enseignement du mépris qui plombe encore les consciences et s’exprime sous des formes toujours neuves et sans cesse résurgentes !
Mais ce que nous espérons, c’est qu’en combattant l’antisémitisme sous toutes ses formes, nous combattons en fait ce règne de la médisance qui rend les relations entre les peuples tout simplement impossibles et vaines – furieuses et violentes, démentes et destructrices. Seule la réélaboration d’une parole digne de ce Nom, pourra remettre en place les conditions de possibilité d’une paix véritable.
Shabbat Shalom