BEHAR-BEHOUQOTAY

« Toute la gloire de la fille du roi est vers l’intérieur » (Psaume 45,14). Ce verset est cité par Rabenou Behayeh pour parler de la présence divine, le Chekhinah : il existe en effet un hiatus entre son apparence extérieure, et ce qu’elle cache vers l’intérieur – son désir et le lieu de son attente.
Ce verset est particulièrement approprié pour introduire à notre paracha, celle qui conclut le livre du Lévitique. Au chapitre 26 en effet, on nous décrit ce qui se passera si le peuple d’Israël met en œuvre l’alliance du Sinaï, ou non : « Si vous avancez dans mes décrets, que vous gardez mes exigences et que vous les faites, je donnerai vos pluies en leur temps,  (…) je donnerai la paix sur la terre, (…) je me tournerai vers vous, (…) je mettrai ma résidence au milieu de vous, (…) et je vous ferai aller la tête haute » (Lévitique 26, 3-13). Par contre, « si vous ne m’écoutez pas et que vous ne faites pas toutes ces exigences, (…) je donnerai ma face contre vous, (…) je casserai le génie de votre force, (…) votre force s’épuisera en vain, (…) chacun trébuchera par son frère comme devant l’épée, alors que personne ne vous poursuit, (…) vous serez perdus dans les nations et la terre de vos ennemis vous mangera » (Lévitique 26, 14-38).
Autant la première partie est réjouissante, autant la seconde comporte des passages terrifiants que l’on préférerait ne pas entendre, et encore moins voir se réaliser. Pourquoi cette outrance dans l’expression ?

Rabenou Behayeh en citant le verset de départ nous enseigne la chose suivante : lorsque vous aimez quelqu’un profondément, et que vous voulez fonder une alliance avec cette personne, une alliance qui soit suffisamment solide pour traverser toutes les tempêtes possibles de l’histoire, vous faites miroiter d’une part tout le bien et le bonheur que vous lui désirez si elle reste fidèle à cette relation, mais vous insistez surtout sur la grandeur de la catastrophe et du déchirement que la remise en cause de ce lien serait susceptible de causer – non parce que vous le recherchez ou le désirez, mais au contraire, parce que vous voulez éviter cette situation à tout prix.

Comme un père qui menace son enfant de menaces terrifiantes, précisément parce qu’il veut le dissuader d’en arriver là : ce qu’il dit, est l’expression de ce qu’il exècre et il exprime par là même son désir de ne jamais le faire…

En apparence donc, on insiste plus sur ce que l’on veut absolument éviter,  pour en dissuader l’autre partie, alors qu’en fait, cet aspect négatif ne fait qu’exprimer en creux le désir intérieur d’un amour sans fin. C’est pourquoi il y a dans notre passage plus de versets négatifs que de versets positifs : cette négativité est le lieu d’expression d’une positivité, de la violence d’un désir qu’il serait trop impudique d’exprimer au grand jour, sinon négativement sous un verni de reproches et de violences verbales, pour celui qui sait entendre…

Comme toujours : Dieu l’a dit, certes, mais qu’a-t-il voulu dire en le disant ainsi ? A nous d’être attentifs aux clins d’œil d’un amour qui ne peut se révéler qu’en se cachant au cœur d’une justice qui semble impitoyable… C’est là précisément le lieu de son appel et de son exigence pour nous.


Yedidiah Robberechts

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