Deux enterrements et deux mariages, c’est le programme de cette semaine : Sarah meurt d’abord, et est enterrée par Abraham à Hébron, puis Abraham prend soin de marier son fils Isaac avec Rebecca, pour assurer une continuité à la bénédiction divine, et enfin, Abraham après s’être remarié, meurt lui aussi.
Et l’on nous dit que c’est à ce moment-là que Dieu bénit Isaac. Comme s’il avait fallu attendre la mort de Sarah pour qu’Isaac, son fils, puisse se marier – et emmener sa femme dans la tente de sa mère pour seulement là l’aimer… -, et attendre la mort d’Abraham pour qu’Isaac, son fils, puisse être béni de Dieu – et commencer sa propre histoire (« Voici l’histoire d’Isaac » dira-t-on au début de la prochaine parachah)…
La mort des uns est-elle le début de la vie des autres ? Il est possible que certains parents prennent trop de place dans la vie de leurs enfants, au point qu’il faille attendre leur mort pour que les enfants commencent réellement à vivre leur propre vie.
Mais c’est là une situation extrême, qui devrait pouvoir être vécue autrement, symboliquement. C’est ce que nous dit la Bible lors de la création de la femme : « c’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils adviennent vers une seule chair » (Gen2,24), c’est-à-dire vers leurs enfants.
Le départ doit donc être vécu symboliquement, il doit être ritualisé, de manière à créer une distance suffisante du vivant même des uns et des autres – sans exiger la mort de personne – et rendre ainsi l’émergence de l’avenir possible alors même que le passé reste encore présent.
C’est cet équilibre délicat et incertain qu’exige toute tradition, tout passage de flambeau. Car si la tradition est trop présente, elle risque d’étouffer les fils, et finalement soit de les castrer complètement, soit de les faire fuir ou se révolter.
C’est ce que notre génération vit trop souvent, et c’est pourquoi elle se doit de réinventer, comme chaque génération avant elle, une manière symbolique et rituelle de transmettre la vie sans la bloquer sur son passé, mais en lui apprenant à vivre en paix avec son passé, dans une distance suffisante pour lui permettre l’humour – Isaac en hébreu.
Alors Elie pourra venir et ramener le cœur des parents vers les enfants et le cœur des enfants vers leurs parents.
Shabbat Shalom