PARACHA souccot

SOUCCOT

Dans la tradition, « la » fête – la fête par excellence -, c’est Souccot. Il nous y est d’ailleurs ordonné d’y être « heureux », d’avoir de la Simhah, de la joie durant ces jours. Comme si la joie pouvait être ordonnée… C’est donc un but à atteindre, que le rite vient nous rappeler, pour que nous le l’oublions pas dans l’émoi de la vie quotidienne et de ses exigences : la vie est faite pour aboutir à la joie. D’où sans doute aussi le caractère universel de cette fête, où 70 sacrifices sont apportés pour les 70 nations que comprend symboliquement le monde : il faut que chacun puisse un jour participer à cette joie, car peut-il y avoir une vraie joie si elle n’est pas universelle ? Puis-je me réjouir totalement alors que des gens souffrent encore de guerres, de malnutrition ou d’endoctrinements ? La joie exige d’être universelle pour être réelle. En attendant, nous nous contentons – parce qu’il faut bien commencer quelque part – d’une joie symbolique, cultuelle.

Et l’un des symboles de Souccot, c’est précisément les quatre espèces que nous balançons tous les jours dans les six directions de l’espace. Comme certains commentaires le font remarquer, le cédrat a bon goût et bonne odeur, le myrte bonne odeur, le dattier bon goût et le saule ni l’un ni l’autre… Et pourtant nous avons besoin des quatre et de chacun pour pouvoir accomplir le rite. Comme si l’on voulait nous enseigner qu’une véritable fête ne peut se faire que si chacun y trouve sa place et est reconnu pour ce qu’il est, même si apparemment il n’apporte rien à la société, ne fait montre d’aucune utilité immédiate et visible. La grandeur d’une société – et de la fête que devrait être toute vie en société – n’est-elle pas de parvenir à donner une place à chacun, et en étant capable de reconnaître cette place irremplaçable de chacun, de s’élever à la vraie joie, qui est la vraie fête ? Car rassembler ensemble – dans un même vivre-ensemble – une multiplicité d’une richesse inestimable, non pondérable au premier regard, n’est-ce pas précisément cela la fête : celle où une rencontre inattendue peut tout d’un coup transformer la longue marche insipide des jours qui se ressemblent, en aventure nouvelle, fraîche et inouïe ? Le cédrat peut se penser le plus accompli de l’humain : sans la rencontre du myrte, du palmier et du saule, il ne porte pas une vraie joie et ne peut déboucher sur la joie d’un vrai rassemblement, d’une vraie rencontre, d’un vrai peuple.

Une fête dont une seule personne serait exclue pourrait-elle d’ailleurs être une vraie fête : c’est peut-être précisément cette personne-là qui détenait la clé du rassemblement et de l’unité que tous nous cherchons ? « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». On nous raconte dans le Talmud (TB Guitin 55b-56a) que Jérusalem fut détruite à cause de l’exclusion d’une personne invitée par mégarde à une fête et du grief qui s’ensuivit… Ne devons-nous pas commencer à reconstruire Jérusalem en ayant confiance en la capacité de la société juive à donner place à chacun de ses membres, à chacune des orientations différentes qui compose cette société, et à les rassembler dans une joie commune fondée sur un dynamisme de recherche et d’étude ? N’est-ce pas dans la dynamique positive du rassemblement de chacun autour de la joie du vivre-ensemble que résident les prodromes de la résurrection d’Israël, pas seulement de sa résurrection politique, mais surtout de sa résurrection spirituelle et humaine ? Alors nous pourrons témoigner devant les nations de la vraie joie, en les invitant à participer à cette joie.

En attendant et paradoxalement, nous fêtons déjà par anticipation cette joie vers laquelle seulement nous marchons, puisque nous ne demeurons pour l’instant que dans les souccot d’une joie fragile – exposée aux moindres vents et intempéries de l’actualité – qui annoncent certes la terre promise de la joie, mais nous interdisent en même temps de nous y installer de manière trop figée et trop dure.
Hag sameah
Yedidiah Robberechts

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