PARACHA vayera

VAYERA

Après avoir reçu l’annonce de la naissance d’un  fils avec Sarah, Abraham semble prendre une envergure humaine tout à fait remarquable.

Il n’hésite pas à faire face à Dieu pour remettre en question la possibilité évoquée par Dieu de détruire Sodome et Gomorrhe : « Le Juge de toute la terre ne ferait pas la justice ! » (Genèse 18, 25). S’ensuit un marchandage époustouflant entre Abraham et Dieu.

Voilà donc l’homme qui est notre modèle, puisqu’il est capable de braver le divin au nom même de la justice qu’il enseigne et exige. Nous voudrions tous quelque part ressembler à Abraham, notre héros !

Oui, mais voilà que quelques chapitres plus loin, Dieu demande à Abraham de prendre Isaac pour le faire monter sur le mont Moriah, et là, Abraham ne discute plus,  ne soulève même pas une objection, n’hésite pas un instant, et s’apprête sans l’ombre d’un remords à égorger son fils sans même demander d’explication.

Est-ce la même personne ? Est-ce là notre héros ? Surtout lorsqu’on remarque, avec Rachi, que Dieu n’a jamais demandé à Abraham de sacrifier son fils, mais de « le faire monter pour un holocauste » (Genèse 22, 2) !

Pourquoi donc cet empressement à prier pour des crapules avérées (les gens de Sodome et Gomorrhe) et cette absence totale de réaction lorsqu’il s’agit de tuer un innocent, alors même que cela n’a pas été exigé expressément !?

Abraham est devenu notre père lorsqu’il a reconnu le malentendu et a accepté de ne pas porter la main sur son fils – dont nous descendons tous.

Car Abraham, nous dit la Kabbale, est l’homme du Hesed, de l’amour sans limites. Rien de grand ne se fait sans amour et sans passion.

Mais la passion finit par dévorer ceux qu’elle porte lorsqu’ils ne la limitent pas. Elle peut devenir nauséabonde lorsqu’elle prend en pitié les criminels ; elle devient terrifiante lorsqu’elle cherche à nier toute limite.

Isaac représentait cette limite de l’amour qui était insupportable à Abraham.

Sa grandeur fut d’accepter in extremis cette limite, et de montrer par là que l’amour sans limites pouvait engendrer et respecter sa limite, la justice – Isaac – qui est portée par l’amour, mais qui ne s’y réduit.

Il fallait faire monter Isaac – l’élever, mais pas le sacrifier ! – car lui aussi dans sa justice devait participer au culte donné à la Transcendance, aussi valable que celui d’Abraham dans son amour.

Chabat Chalom

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