PARACHA balak

BALAQ

Notre parachah nous raconte l’épisode rocambolesque du prophète Bil’am qui sous l’instigation du roi de Moav, Balaq, cherche à maudire Israël – à le traiter de colon, d’impérialiste, d’apartheidiste, de capitaliste, de communiste, de sioniste, de déicide, de juif…, et ainsi à le délégitimer au niveau du discours – et finalement le bénit… On croit rêver : comme si le mensonge devait inévitablement se retourner contre lui-même et se transformer en son contraire…

Toute cette histoire est introduite par les péripéties de Bil’am avec son ânesse (Nombres 22) : Bil’am semble trop précipité à répondre aux sollicitations du roi Balaq pour maudire Israël, et Dieu cherche donc à le faire périr par trois fois par l’intermédiaire d’un ange. Mais la vigilance de son ânesse permet à chaque fois à Bil’am d’échapper à l’ange, qui lui, complètement aveugle à ce qui se trame, croit à une révolte de son ânesse et n’a de cesse de la frapper et d’essayer de la corriger pour la ramener dans le droit chemin…

Cet aveuglement de celui qui se veut prophète et guide des autres est ainsi souligné par le contraste avec la sagesse et la clairvoyance de son ânesse. La leçon de cet épisode, comme dans une fable de La Fontaine, est claire : n’est pas sage qui croit l’être, et c’est parfois cette partie animale en nous, que nous avons tendance à mépriser et à opprimer, qui peut nous faire entendre des paroles de sagesse auxquelles notre intelligence supposée reste sourde et insensible.

Oui, la nature peut parfois nous faire entendre des choses que nous sommes devenus incapables de percevoir, et ainsi nous sauver la vie face à une catastrophe annoncée…

Oui, les dirigeants des peuples – qui se prennent si souvent pour des visionnaires – sont parfois bêtes comme des ânes et doivent se faire corriger par leur ânesse de peuple : ils ne voient dans ces mouvements populaires que révolte et insubordination, alors qu’à travers eux, c’est la vie des peuples qui essaie de mûrir et d’échapper aux carcans insupportables de la corruption et de la domination qui les mènent inévitablement à la mort.

Oui, c’est l’impéritie de nos dirigeants religieux ou autres qui se croient inspirés par Dieu qui met le judaïsme en danger de mort clinique, parce qu’ils ne sont pas capables de prendre le pouls de l’histoire et de répondre aux défis énormes de notre temps et à une situation de crise sans pareille…

Le problème, c’est que dans la Bible, Dieu fait parler l’ânesse et empêche ainsi Bil’am de la mettre bêtement et injustement à mort. Or aujourd’hui, les ânesses braient, mais plus personne n’est capable de les entendre, et on  les met à mort avec la bonne conscience de la justice accomplie et de l’ordre restauré… Au nom du bien et de sa conviction, on en vient ainsi à précipiter le règne de la violence et de la décomposition sociale.

Tout cela est très sérieux, et en même temps, quel bel humour, quelle superbe dérision biblique ! Notre dernière arme face à l’insupportable n’est-elle pas … d’en rire ? et ainsi de restaurer les conditions d’une vie possible, malgré tout…

 Chabat chalom

Yedidiah Robberechts

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