PARACHA tetsaveh

TETSAVEH

Une fois le sanctuaire décrit dans ses détails, il faut en assurer le fonctionnement par l’intermédiaire des prêtres, les cohanim. On va donc d’abord veiller à les doter de vêtements de fonction (chapitre 28), puis à les investir en bonne et due forme (chapitre 29). C’est en grande pompe donc que doit se faire l’intronisation de ce premier messie (Machiah), puisque les prêtres sont consacrés – oints, messie en hébreu – par une onction d’huile.

Mais un détail n’a pas échappé à nos commentateurs : cette parachah ne comporte pas le nom de Moïse ! C’est bien sûr Moïse qui initie toute cette cérémonie et qui investit son frère Aaron dans sa nouvelle fonction. Mais son nom n’est mentionné nulle part. Comme si le texte voulait nous laisser entendre une certaine réserve de Moïse face à la médiation religieuse du prêtre. Pourquoi ? N’est-ce pas lui-même qui a annoncé au peuple qu’il devait être « un royaume de prêtres et une nation sainte » (Exode 19,6) ? 

Mais peut-être voulait-il parler d’un royaume de prêtres, et non pas d’un royaume avec des prêtres ? Autrement dit, une fois le sanctuaire en place, chacun aurait dû pouvoir y venir et y fonctionner comme prêtre en fonction des exigences du lieu et du temps. C’est donc l’ensemble du peuple qui aurait dû fonctionner comme prêtre, et pas une petite élite formée et spécialisée en ce sens. Que s’est-il passé pour que ce qui devait être l’apanage de tous soit ainsi réduit à un petit groupe de spécialistes ?

La réponse pour une partie des commentateurs se trouve dans la parachah suivante, avec l’épisode du veau d’or. Mais l’on peut comprendre déjà les craintes de Moïse de la façon suivante : Moïse voulait que tout le peuple devienne capable de relation directe avec la Transcendance (« qui donnera que tout le peuple de la Transcendance soit prophètes » Nombres 11, 29), et pas seulement une élite institutionnelle qui en s’arrogant ce pouvoir sur les autres risquait d’en mésuser et d’en abuser. D’où sa réticence face à cette spécialisation nécessaire : le peuple ne risquait-il pas de se décharger de sa responsabilité face à la Transcendance en la transférant sur le prêtre ? Les prêtres feront bien le nécessaire pour obtenir le pardon, arranger les bidons, et l’on pourra dormir tranquille sans plus trop se poser de questions…

Ne sommes-nous pas trop souvent en proie à ce même problème aujourd’hui : puisque les rabbins sont là, ils pensent pour nous, répondent à tout pour nous, et il suffit de croire en eux pour être sauvé ! Moïse a peur de cet endormissement dans le ronron bien huilé (Machiah !) d’une religion qui nous permet de ne plus penser et de nous croire arrivés en nous déchargeant sur d’autres de notre responsabilité irréductible.

Car c’est à chacun de nous que la Transcendance en appelle personnellement, et c’est dans cette recherche d’une responsabilité irréductible que les prêtres peuvent intervenir pour nous aider. Sinon tout risque de tourner à vide et de sonner creux… C’est peut-être pour cela que chaque vendredi soir, en accueillant le Chabat, on chante : « hit’oreri, hit’oreri » ! Réveille-toi Israël, pour que puisse venir ta lumière.

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